La prise en charge en thérapie manuelle des troubles musculo-squelettiques des danseurs classiques
Revue de littérature
Introduction : Les troubles musculo-squelettiques (TMS), selon l’Assurance Maladie (Assurance Maladie, 2013), regroupent des affections touchant les muscles, les tendons, les nerfs, les articulations (cartilages, ménisques...) et les os. Les parties du corps les plus fréquemment touchées sont la colonne vertébrale, les membres supérieurs (épaule, coude, poignet) et les genoux.
En 2009, pour le régime général de l'Assurance maladie, les TMS représentent plus de 80 % de l'ensemble des maladies professionnelles ayant entraîné un arrêt de travail ou une réparation financière en raison de séquelles. La réduction du risque de maladie professionnelle répond bien entendu à un enjeu de santé publique et de bien-être social, mais elle permettrait également une diminution des dépenses de médicaments et de soins.
Les TMS résultent d'un déséquilibre entre les capacités physiques du corps et les sollicitations et contraintes auxquelles il est exposé. Ils peuvent apparaître rapidement. Toutefois, ils s'installent le plus souvent de façon progressive après une longue période de sollicitations intensives des parties du corps atteintes.
Les facteurs favorisant les TMS sont multiples. Outre les activités professionnelles et extra-professionnelles, les facteurs individuels jouent également un rôle : facteurs biomécaniques, contraintes psychosociales, contraintes organisationnelles, facteurs individuels (âge, sexe, état de santé).
La danse est un art nécessitant une extraordinaire activité physique et caractérisée par une formation rigoureuse. De par les mouvements complexes et les exigences physiques élevées, la danse classique est souvent associée à une multitude de troubles musculo-squelettiques majoritairement d’origine traumatique dus au surmenage ou résultant de microtraumatismes répétés.
Le pied assure des rôles multiples qui sont, la stabilité en appui uni et bipodal et la locomotion.
La cheville, elle, est soumise à des contraintes très élevées qui sont le poids du corps et l’énergie cinétique (marche, course et saut).
Le rachis lombaire a deux impératifs contradictoires, qui sont la mobilité grâce à l’empilement des pièces vertébrales et aux mouvements segmentaires additionnés permettant les gestes de la vie et la rigidité grâce aux composants multiples osseux, articulaires, disco-ligamentaires et musculaires.
La majorité des pathologies traumatiques et micro-traumatiques sont causées par des sursollicitations. D’après l’étude de Milan KR (Milan KR. 1994), la littérature indique que 65-80% des accidents de ballet se produisent essentiellement au niveau des membres inférieurs, en particulier le pied et la cheville, 10-17% touchent la colonne vertébrale, et le reste des pourcentages concerne les blessures des membres supérieurs (5-15%).
Le pied est sujet aux fractures traumatiques, aux fractures de fatigue provoquant des oedèmes médullaires, aux blessures ostéochondrales, ainsi qu’aux verrouillages articulaires (Leanderson C. et al,2011 ; Albisetti W. 2010 ; Patterson SM. 2006 ; Hillier JC. 2004 ; Sharma S. 2003).
La cheville est le siège d’entorses, de subluxations, de tendinites ou ténosynovites, d’impacts postérieurs, de syndromes d’instabilité chronique ou d’hyperlaxité articulaire, …, (Leanderson C. 2011 ; Russel J. 2010 A et B ; Hillier C. 2011 ; Werber B. 2011 ; Harrast M. 2009 ; Peace KA. 2009 ; Hodgkins C. 2008 A ; Hodgkins C. 2008 B), en voici les explications (Morgan V. 2010 ; Patterson SM. 2006).
La colonne vertébrale est la deuxième région la plus blessée du corps des danseurs, et de nombreuses questions découlent d'une mauvaise technique et d’un déséquilibre musculaire. Cela conduit souvent à des modifications de courbures telle qu’une hyperlordose, des entorses lombaires, des lombalgies d'origine discale, des spasmes musculaires, des augmentations de mobilité des articulations sacro-iliaque (ceci augmente le risque de blessures car il y a moins de stabilité), mais également à des atteintes traumatiques osseuses comme des spondylolyses ou des spondylolisthésis (Leanderson C. 2011; Gottschlich LM 2011; Morgan V. 2010; Mironov SP. 2008).
Les blessures de ballet ont une étiologie multifactorielle (Morgan V. 2010; Hincapié CA. 2008; Hamilton D 2006) qui implique la biomécanique de la colonne vertébrale et des membres inférieurs, les facteurs environnementaux et les chaussons. D’autres facteurs entrent également en jeu :
- âge / poids / taille des danseurs ;
- facteurs génétiques (hyperlaxité) ;
- mouvements répétés entrainant un stress biomécanique.
La prise en charge est essentiellement médicale (antalgiques, anti-inflammatoires, infiltrations) et chirurgicale.
Il s'agit de se demander ici quelles sont les thérapies manuelles proposées pour la prise en charge des troubles musculo-squelettiques des danseurs classiques ?
Méthode: Nous avons effectué notre recherche bibliographique sur cinq bases de données, Pubmed, Sciencedirect, Embase, Cochrane et Sudoc, ainsi que sur quatre sites de littérature de médecine manuelle, International Journal of Osteopathic Medicine, Journal of the American Osteopathic Association, Manual Therapy et Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics. Nous avons par la suite analysés les articles à l’aide de la grille de lecture fournie par la HAS.
Résultats: Nous avons recueilli sept articles (six études de cas et un essai clinique) tous publiés depuis moins de 10 ans dont la qualité méthodologique est variable.
Conclusion: Les études semblent indiquer de bons résultats en cas de prise en charge manuelle (kinésithérapie, ostéopathie et chiropractie) tant sur la force musculaire, le gain de mobilité, la diminution de la douleur et le retour à la pratique. Les séances d’ostéopathie ne s’attardent pas uniquement sur la zone en souffrance, contrairement aux séances de kinésithérapie, la vision holistique de l’ostéopathe et sa prise en compte du modèle biopsychosocial des patients semble soulager plus rapidement ces derniers puisque ceux-ci ne sont vu qu’une seule fois.
Si les danseurs voyaient fréquemment un ostéopathe, celui-ci pourrait traiter les dysfonctions somatiques (que le danseur ne perçoit pas toujours) et éviter ainsi la chronicisation de ces dysfonctions, afin d’éviter l’apparition des lésions à type de fracture traumatiques ou de fatigue, d’entorse,… Nous pourrions démontrer ici le rôle préventif de l’ostéopathie pour ce genre de population. Pour pouvoir affirmer cette hypothèse, des études à plus grande échelle seraient nécessaires, et avec une meilleure qualité méthodologique.
Solène BUISSON
Ostéopathe D.O. à Elancourt